Centrales photovoltaïques au sol, à l’assaut des terres agricoles et des espaces naturels

Alors que la région dispose d’un fort potentiel de toitures d’entrepôts, de zones et de friches industrielles et commerciales, les projets de centrales photovoltaïques au sol explosent de toute part, tendant à s’accaparer terres agricoles et espaces naturels. Quand soutien à une filière industrielle et avenir des espaces naturels et des territoires ruraux sont dans la balance …
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Centrales photovoltaïques au sol : un bilan en clairs obscurs …

 

A ce jour le développement de la production d’électricité photovoltaïque se focalise sur les centrales solaires au sol. Des projets portant sur des surfaces considérables émergent partout en France. Production d’énergie « propre », diminution de l’empreinte carbone, complémentarité des usages (agricole et énergétique) avec diversification des revenus, fonction de coupe-feu pour la défense des forêts contre les incendies et réversibilité des équipements sont autant d’arguments prônés par les promoteurs de ces projets pour les inscrire dans une démarche de « développement durable ».

Cet argumentaire fait abstraction de l’impact de ces aménagements sur les territoires et sur la biodiversité. Les projets photovoltaïques au sol constituent en effet une source de pression foncière supplémentaire sur les terres agricoles et les milieux naturels ou les espaces à vocation naturelle et agricole déjà sous haute pression dans la région. Selon une étude commandée par le Conseil régional PACA en 2006, entre 1 300 et 1 700 ha de surfaces cultivables disparaissent chaque année au profit de lotissements, de zones commerciales et industrielles ou d’infrastructures routières. Les projets photovoltaïques affectent ainsi le potentiel de surfaces de production agricole locale, indispensable à une agriculture de proximité, elle même favorable à une diminution du bilan carbone et au maintien d’une autonomie vivrière. De plus, le monde agricole cherchant ailleurs les surfaces perdues au profit de l’urbanisation, ces projets sur des terres agricoles contribuent à accentuer la pression sur les habitats naturels et la biodiversité.

 
 

En effet, les centrales photovoltaïques au sol constituent une menace supplémentaire, pouvant porter atteinte de manière irréversibles aux habitats naturels, mais aussi accentuer la fragmentation des espaces, alors que les populations animales et végétales ont déjà le plus grand mal à rester connectées entres-elles. Des espaces autrefois productifs, abritant de nombreuses espèces animales (rizières, salins, …), sont également sur le point d’être affecté par ce type d’aménagement. Or, ces habitats jouent un rôle essentiel à la biodiversité en se substituant à des espaces naturels déjà détruits, ou fortement altérés.

 
 
 

Cette pression est d’autant plus préoccupante que la seule valeur biologique de ces espaces prise en compte dans le processus d’évaluation environnementale concerne les espèces à haute valeur patrimoniale. Les notions de cortèges d’espèces, de biodiversité ordinaire, de connectivité paysagère ou de continuité biologique sont totalement ignorées.

Au-delà de l’impact immédiat, la promesse de réversibilité et de remise en état dans 20 ou 40 ans, reste hypothétique et sans sécurité financière : les coûts de démontage et de retraitement des panneaux et infrastructures sont-ils pris en compte ? Qui nous assure que les entreprises et filiales qui s’y engagent existeront encore dans 20 ou 40 ans ? Le coût et la responsabilité n’en seront-t-ils pas reportés sur le contribuable ou les propriétaires, exposant les espaces à un risque de pollution par défaut d’entretien ou de démontage ?

 

Face à ces impacts sur les territoires ruraux et les espaces naturels, le développement des centrales photovoltaïques au sol suscite des oppositions des instances agricoles, des élus soucieux du devenir de leur territoire et des associations environnementales. Comment se fait-il alors qu’elles aient tant le vent en poupe … ?

 
 

Choix politiques et cadrage réglementaire : une hypocrisie « grenelleliesque » …

 

A ce jour, l’implantation des centrales photovoltaïques au sol est réglementé par la circulaire du 18 décembre 2009 « relative au développement et au contrôle des centrales photovoltaïques au sol ». Cette circulaire précise le cadrage administratif de ces ouvrages et contient en annexe un commentaire du décret n° 2009-1414 du 19 novembre 2009, relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production électrique (relevant du code de l’urbanisme). On aurait pu ce réjouir d’un tel cadrage. Dans les faits, sous couvert du souci d’un développement respectueux des espaces naturels et agricoles, cette circulaire ouvre un boulevard au développement du photovoltaïque au sol.

 

En effet, en 6 lignes, nos législateurs ont veillé à recommander de favoriser l’intégration du photovoltaïque aux bâtiments. Et dans les 50 autres lignes, ils se sont attachés à démontrer que malheureusement, la raison du marché, les besoins de développement de la filière et de rentabilité maximum de certaines sociétés, les poussent à implanter des centrales au sol « de façon organisée ». Comment ? « … sans attendre la mise en place de schémas régionaux » ! C’est pour le moins une conception particulière de la notion d’organisation.

Il est également précisé que « tout en favorisant le développement de ces installations …, vous porterez une attention particulière à la protection des espaces agricoles et forestiers et à la préservation des milieux naturels et des paysages ». Il est clairement affirmé que « les centrales au sol n’ont pas vocation à être installées en zone agricole ». Mais là encore, « la raison du marché » s’imposant, il est précisé que « des terrains, bien que situés en zone classée agricole, mais [n’ayant] pas fait l’objet d’un usage agricole dans une période récente » pourront accueillir ce type d’installation. Le décret du 19 novembre 2009 est là pour simplifier les tracas administratifs concernant la modification de la réglementation des POS et PLU. Il ne reste donc plus qu’à définir « une période récente » …. !

 
 

Alors qu’une volonté réelle de soutien aux énergies renouvelables devrait, dans un souci d’intérêt collectif, s’affranchir des préoccupations du profit, le patrimoine naturel et le foncier agricole sont bradés et hypothéqués sous prétexte de soutenir le développement économique d’une filière.

 
 

Enjeu environnemental et de territoire, ou soutien d’une filière sous perfusion … ?

 
 

Outre le cadrage réglementaire, le second levier d’action sur le photovoltaïque est le coût de rachat. A ce jour, le coût de production de l’électricité photovoltaïque (investissement + exploitation) est variable selon que celle-ci est issue de centrales au sol ou d’équipements intégrés au bâti mais il s’élève à 220 € /MW au minimum. Le prix de rachat par le système électrique public va de 276€/MW (production de centrale photovoltaïque au sol) à 568 € /MW (panneaux intégrés au bâti). L’attractivité de ce marché est d’autant plus forte que, dans le cas de grosses centrales photovoltaïques au sol, l’investissement est amorti en 3 ans et demi, procurant un taux de rentabilité net (TRI) de 29% environ. En comparaison, les centrales éoliennes ont un TRI maximum de 12,5% alors que celui des autres systèmes de production d’électricité va de 3 à 7%. Notre système public d’électricité rachète donc cette production grâce à la taxe de contribution au service public d’électricité (CSPE), entre 276 et 568 €/MW pour la revendre en moyenne à… 55 €/MW ! La moins value est une perte sèche !!

 
 

Cette « perte en ligne » est effectivement très nette, mais pas pour tout le monde. Les multinationales et leurs filiales, à l’origine de ces investissements, opèrent au passage un bénéfice très intéressant sur des fonds publics, directement issu des poches du contribuable. En août 2010, l’Inspection générale des finances (IGF) a confirmée que la production est essentiellement dépendante des aides de l’Etat. Cet investissement est considéré comme nécessaire pour consolider et développer la filière. Cela contraint donc à une certaine réserve, quant au « bénéfice » en terme de gains globaux et d’emplois générés par cette filière et fait craindre une nouvelle bulle spéculative.

En cette période de crise, que penser du soutient que l’Etat déploie au profit de sociétés privées dans un marché complètement faussé ? Sans parler des aléas et tiraillements de la filière photovoltaïque et des revirements de l’Etat sur son aide (IGF 2010). Preuve en est, le décret du 10 décembre instituant un moratoire de 3 mois sur le raccordement des installations photovoltaïques d’une puissance supérieure de 3 kW en crête. Il semblerait que l’attractivité des conditions fixées par l’Etat sur le développement des centrales au sol ait généré un succès au-delà des espoirs de nos (ir)responsables financiers.

 
 

Reste quand même que, pour les propriétaires qui louent leurs terres, l’opération reste attractive même si les 2500 ou 3000 €/ha ne constituent que les miettes de ces juteuses opérations d’aménagement. Ces miettes suffisent à déstabiliser le marché foncier localement et à hypothéquer les espaces naturels.

Enfin, actuellement, les élus locaux ont la possibilité de travailler à l’échelle des intercommunalités, à l’élaboration d’un schéma global et cohérent de développement des énergies renouvelables. Malheureusement, là encore l’intérêt public passe souvent au second plan, derrière une perspective de gain immédiat, par une course de chaque commune aux développements de nouveaux projets. Certains avaient cru à une ambition environnementale … ?

 
 

NACICCA dénonce les choix politiques clairement affichés concernant le photovoltaïque au sol.

 
 

Le ton a été effectivement bien donné dès le 2ème paragraphe de la circulaire du 18 décembre 2009 : « L’ambition est de bâtir une véritable industrie du solaire en France. Dans cette perspective, le gouvernement a décidé de dynamiser fortement le marché ». Derrière les grands principes du « développement durable » et des énergies vertes se cache en réalité une féroce lutte pour un marché de nouvelles technologies très lucratif dynamisé par l’aide de l’état à quelques grandes sociétés privées.

 
 

NACICCA milite donc pour :

 

  • Un développement du photovoltaïque uniquement sur les surfaces fortement artificialisées, en particulier sur les nombreuses surfaces déjà bâties et industrialisées, en quantité très importante et en perpétuelle augmentation dans la région (toits de hangars et construction diverses, parkings, friches artisanales et industrielles, décharges fermées, …).
  • L’élaboration de schémas régionaux et départementaux du photovoltaïque. Contrairement à ce qui est conseillé dans la circulaire du 18 décembre 2009, circulaire qui n’a d’ailleurs jamais fait l’objet d’une publication au journal officiel, il est indispensable que des schémas régionaux soient élaborés, afin de promouvoir une émergence cohérente et rationnelle des projets, et endiguer le phénomène de mitage des espaces naturels et agricoles.
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  • La mise en place de politiques de SOBRIETE ENERGETIQUE. Si les efforts réalisés pour promouvoir le développement des énergies renouvelables sont potentiellement louables, ils ne peuvent l’être que si parallèlement sont engagées de véritables politiques d’économie d’énergie. Et ceci, aussi bien dans le cadre des activités, structures et infrastructures publiques qu’au niveau de la consommation individuelle de chaque citoyen mais aussi en ce qui concerne les entreprises et industries.
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  • L’exploitation de la ressource photovoltaïque, comme un pas de plus vers une diminution de notre dépendance au nucléaire. Le photovoltaïque est une chance à saisir pour répondre aux besoins énergétiques du sud de la France. Au contraire du nucléaire, qui nous laisse ses déchets toxiques pour 20 000 ans, repose sur l’exploitation d’Uranium sur d’autres continents et sur des équipements centralisés lourds tout en nous exposant à un danger de contamination permanent, le photovoltaïque n’a besoin que de panneaux et de soleil pour produire de l’électricité. Même si les impacts sociaux et environnementaux de la fabrication de ces panneaux restent mal connus, le bilan sera sans nul doute bien meilleur que celui du nucléaire. En l’occurrence dans le cas de l’énergie photovoltaïque, un véritable bilan permettant de quantifier la plus value de cette énergie renouvelable devrait intégrer une étude du cycle de vie et du bilan carbone prenant en compte l’ensemble des paramètres (importation de Chine des pièces et matériaux nécessaires à l’assemblage des panneaux, importation des productions agricoles pour lesquelles les agriculteurs n’ont plus accès au foncier en France, …), etc…
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NACICCA rappelle que la maîtrise de la consommation et la sobriété énergétique restent la mine d’énergie la plus durable, sans impact sur le patrimoine naturel et les terres nourricières.

 
 

Avec le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil, il semblerait que nos responsables se réveillent et tentent également de faire « évaporer » la file d’attente des projets inscrits (projets pour lesquels le gestionnaire du réseau a notifié son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau). Le maintien du bénéfice de cette obligation d’achat est en effet subordonné à un délai de mise en service de l’installation de 18 mois à compter de la notification de l’acceptation. Compte tenu de la complexité des dossiers et de la modification de l’économie d’un certain nombre de projets (révision des tarifs d’achat), beaucoup vont de fait être annulés. D’autant plus que, à l’occasion de la présentation qui a été faite des projets en file d’attente lors de la première réunion de concertation, tenue le 20 décembre 2010, la surprise (peut-être pas pour tout le monde) a été de taille. En parallèle d’ERDF, la filiale RTE d’EDF compte aujourd’hui 41 projets pour une puissance de 1 283 mégawatts (MW), dont 980 mégawatts sont le fait d’EDF Energie Nouvelles, constituant les ¾ de la puissance de la file d’attente de RTE. Il est intéressant également de voir que cet afflux d’acceptation de dossiers s’est produit en fin d’année (700 MG intégrés à la file d’attente de RTE après le 2 décembre), alors que des signaux et mises en garde sur l’explosion du nombre de projets et de la puissance étaient lancés depuis des mois. Au 20 décembre, les files d’attente d’ERDF et RTE présentaient respectivement 1 283 MW et 3 578 MW, alors même les objectifs fixés par le ministère sont d’une capacité de 5 400 MG à l’horizon 2010. Mais comme le prouve les propos du directeur d’EFD EN, David Corchia « Nous avons toujours dit que nous allions déposer pour 1000 MW de projets afin de sécuriser la réalisation de 700 MW d’installations photovoltaïques et assurer des débouchés pour l’usine de panneaux solaires de Blanquefort ») , ces filiales n’ont eu pour seul souci, en tout altruisme, que d’exaucer les vœux du gouvernement : apporter un soutien à la filière …