Consultation publique du projet de centrale photovoltaïque de la Ménudelle à Saint-Martin-de-Crau

En partenariat avec l’association Agir pour la Crau, NACICCA a adressé un courrier à l’occasion d’une consultation relative à la destruction d’habitats et d’espèces animales protégées sur le site de la Menudelle. Nous vous faisons partager cette lettre

 

Arles, le 11/09/16

 

Objet : Consultation publique relative à la destruction d’habitats et d’espèces animales protégées dans le cadre du projet de centrale photovoltaïque de la Ménudelle à Saint-Martin-de-Crau (13)

 

Par le présent courrier, nous vous adressons l’avis des associations Agir pour la Crau et NACICCA concernant la consultation publique en objet.

 

L’association Agir pour la Crau agit pour le maintien et le développement de la qualité de vie et de l’environnement des habitants de la plaine de la Crau, et pour lutter contre la disparition des espaces naturels et agricoles en Crau.

 

L’association NACICCA « Nature et Citoyenneté en Crau Camargue et Alpilles » a vocation de protéger et défendre le patrimoine naturel et la qualité de vie liée à l’environnement des habitants et les usagers de Camargue, de Crau et des Alpilles. Elle est agréée au titre de l’article L. 141-1 du Code de l’Environnement (arrêté préfectoral n°2013163-0004 du 12 juin 2013).

 

Sur l’état initial écologique

 

La zone du projet est limitrophe aux périmètres suivants :

 

  • Réserve Nationale des Coussouls de la Crau,
  • Réseau Natura 2000 local (ZSC et ZPS),
  • Réseau local de ZNIEFF,
  • Espace Naturel Sensible.

 

Elle est intégralement incluse en trame verte, en tant que réservoir de biodiversité, ce qui atteste l’intérêt écologique du site.

 

D’ailleurs, le dossier d’ECO-MED en témoigne, au travers des espèces protégées inventoriées dans la zone étudiée :

 

  • 1 espèce d’invertébré,
  • 2 espèces d’amphibiens,
  • 5 espèces de reptiles, dont le Lézard ocellé, avéré dans la zone du projet, qui bénéficie d’un Plan National d’Action,
  • 38 espèces d’oiseaux, dont la Chevêche d’Athéna, avérée dans la zone du projet, ainsi que l’Alouette calandre, le Faucon crécerellette, le Ganga cata et l’Outarde canepetière, avérées dans les espaces naturels limitrophes. Toutes bénéficient d’un Plan National d’Action,
  • 2 espèces de mammifères. Nous déplorons l’absence de certitude quant à la présence ou pas d’espèces comme le Grand Rhinolophe et le Murin à oreilles échancrées, car celles-ci font l’objet du programme Life+Chiromed, visant à assurer leur conservation en régions PACA et LR.

 

Sur les impacts bruts

 

Nous notons que les habitats naturels pour les espèces qui se reproduisent, se reposent ou s’alimentent, au sein même de la zone d’emprise du projet, seront détruits. Les espèces les plus impactées, avant mesures de réduction, sont les suivantes :

 

  • Impact fort sur le Lézard ocellé,
  • Impact fort sur l’Oedicnème criard,
  • Impact modéré sur Magicienne dentelée,
  • Impact modéré sur le Pélodyte ponctué,
  • Impact modéré sur le Psammodrome d’Edwards,
  • Impact modéré sur le Cochevis huppé,
  • Impact modéré sur le Coucou geai,
  • Impact modéré sur la Huppe fasciée,
  • Impact modéré sur le Pipit rousseline,
  • Impact modéré sur le Rollier d’Europe.

 

Sur les effets indirects

 

Nous considérons qu’à ce stade de l’étude, les impacts du projet ont été minimisés, compte-tenu notamment des effets indirects sur l’Outarde canepetière, dont une donnée se trouve à moins de 100 mètres de la zone d’emprise définitive du projet, voir la carte 14 page105.

 

Sur les mesures d’évitement et de réduction

 

Nous notons que la partie est de la zone d’emprise du projet sera évitée. Toutefois, les espèces protégées pré-citées restent concernées par la destruction de 15,4 hectares d’habitat naturel, in fine. Reste à savoir quelle est la superficie exacte de la zone d’emprise finale du projet, car pages 141 et 149, il est question de 17,5 hectares.

 

Les mesures de réduction seront les suivantes :

 

  • Mesure R1 : Balisage strict de la zone d’emprise et des secteurs écologiquement sensibles,
  • Mesure R2 : « Défavorabilisation écologique » de la zone d’emprise,
  • Mesure R3 : Aménagement de l’espace situé entre les panneaux photovoltaïques, relatif au maintien du Lézard ocellé,
  • Mesure R4 : Adaptation du calendrier relatif au démarrage de l’activité en accord avec la phénologie des espèces,
  • Mesure R5 : Maintien du pastoralisme au sein de l’emprise du parc solaire,
  • Mesure R6 : Lutte contre la fermeture progressive des milieux ouverts situés à l’est de la zone de projet,
  • Mesure R7 : Maintien des arbres et des corridors boisés situés aux abords du parc solaire,
  • Mesure R8 : Prélèvement et stockage des pieds d’Onopordon concernés par l’emprise du parc solaire en faveur du Bupreste de Crau,
  • Mesure R9 : Proscrire l’utilisation de produits chimiques pour l’entretien des panneaux photovoltaïque,
  • Mesure R10 : Transplantation de l’Orobanche de Bohême.

 

Sur les impacts résiduels

 

Concernant le Lézard ocellé et les autres espèces de reptiles et d’amphibiens, la mesure R2 est destinée à éviter la destruction d’individus. Nous savons cependant que la délocalisation de ceux-ci ne sera pas absolue, et que des spécimens peuvent potentiellement être tués lors des travaux. De plus, nous savons que la mesure R3 ne sera pas immédiatement effective, et qu’il y aura une altération d’habitat, au moins temporelle.

 

Concernant l’Oedicnème criard, page 154, mesure R4, la période de réalisation des travaux est proscrite de mi-mars à fin-août. Cette période est trop courte notamment vis-à-vis de l’Oedicnème criard. En effet, la période de nidification de cette espèce s’étend de fin-mars à fin-septembre avec des juvéniles non volants jusqu’en octobre (source : cahiers d’habitat « oiseaux » – MEEDDAT- MNHN). De plus, la résilience de cette espèce, en l’occurrence, étant nulle, aucune des mesures envisagées ne réduit la perte significative de 15,4 hectares d’habitats de reproduction, de repos, et d’alimentation. Il est donc impossible que l’impact brut, qualifié de fort, aboutisse à un impact résiduel qualifié de faible.

 

La mesure R6 est une mesure de gestion, et non pas une mesure de réduction.

 

Sur les effets cumulés

 

Les effets des différents projets entre-eux, se cumulent sur la base des impacts résiduels. Le dossier présente donc, manifestement, une incohérence, puisque les effets cumulés ont été pris en compte a priori de l’évaluation des impacts résiduels, et non pas a posteriori. L’avant dernier paragraphe de la page 164, surligné en caractère gras, conclut en des effets cumulés modérés sur l’Oedicnème criard. Donc il s’agit d’un effet du projet qui justifie à lui seul l’établissement de mesures compensatoires. En effet, il est impensable que, au titre des effets cumulés, la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées, dans la mesure où d’autres projets ont impacté l’Oedicnème criard, sans qu’il y ait eu de la compensation en faveur de cette espèce. Citons seulement pour exemple le dernier entrepôt de la société Maison du Monde au Mas Saint-Laurent, sur la commune de Saint-Martin-de-Crau ; Le parc photovoltaïque de Beauregard, sur la commune d’Arles.

 

Sur la justification des solutions alternatives

 

Elles sont décrites comme étant les suivantes :

 

  • Il s’agirait d’une zone prioritaire pour le photovoltaïque, selon la communauté de communes ACCM (SIC),
  • La Ménudelle possède un très bon potentielle solaire,
  • Le site est dégradé et anthropisé,
  • La volonté communale est forte (SIC),
  • Il est noté l’absence de constructions et d’habitations ( ?),
  • La surface est plane,
  • Il y a une synergie avec d’autres installations locales d’énergie renouvelable ( ?).

 

S’il s’agit d’arguments en faveur du projet, il ne s’agit en aucun cas de justification d’absence de solutions alternatives. Certains de ces arguments sont farfelus, et ce n’est pas parce que la commune et l’ACCM sont favorables que le projet justifie pour autant l’absence de solutions alternatives, au sens de l’article L 411-2 du code de l’environnement.

 

Sur les raisons impératives d’intérêt public majeur

 

Elles sont censées être les suivantes (pour les plus acceptables) :

 

  • l’énergie renouvelable,
  • la création d’emploi.

 

Si nous ne contestons pas l’intérêt de l’énergie renouvelable, en revanche, la justification des emplois est inconsistante. Aucun chiffre n’est avancé. Un parc photovoltaïque crée t-il suffisamment d’emplois qui puissent justifier l’intérêt public majeur ? A notre sens, la réponse est négative.

 

Sur la compensation

 

Compte tenu des éléments précédents, il est inacceptable qu’il n’y ait pas de compensation, ex-situ, notamment au bénéfice de l’Oedicnème criard. Au sujet du sol et de la terre végétale, le terme de « compensation » est inapproprié. Il est même de nature à fausser la lecture du document pour un public non connaisseur. Nous apprenons, page 48, que le terrain d’assiette du projet faisait l’objet de recherches scientifiques sur la résilience du coussoul. Ce programme de recherche scientifique est autant intéressant qu’important, compte-tenu de l’endémisme du coussoul et de sa vulnérabilité à l’urbanisation et à l’industrialisation. En dehors du fait que le projet est une entrave au bon déroulement de cette recherche, les moyens financiers mis en place ne peuvent en aucun cas être considérés comme de la compensation écologique stricto sensu.

 

Enfin, la zone du projet est localisée en centre-crau, où une opération de réhabilitation a déjà été engagée (Cossure, même si la pérennité est contestable). Pourquoi le présent dossier réglementaire n’évoque t-il pas cet élément important ?

 

Nous n’écartons pas pour le moment la possibilité que le projet soit soumis à l’obligation de compensation du réservoir de biodiversité.

 

Quoi qu’il en soit, nous jugeons qu’en l’état, le projet est illégal et sujet à contentieux.