« Lo rasado » des provençaux est le plus grand lézard de France, certains mâles pouvant atteindre 55 cm de longueur totale dans le midi de la France ! Outre sa taille spectaculaire, de magnifiques ocelles bleues ornent les flancs des adultes (bleu vif chez le mâle) permettant ainsi de le reconnaitre aisément Ce lézard essentiellement insectivore peuple une grande partie de la péninsule Ibérique, le midi de la France (atteignant à l’est la Ligurie), l’ouest du massif central ainsi que certains secteurs à influence méditerranéenne de la façade atlantique. Il était autrefois couramment observé sur les montilles de Camargue, où il occupait comme gîtes les « cassieu » des lapins. L’observation de cette espèce farouche est encore relativement aisée en Crau, dans les Alpilles où sur la costière de St Gilles.
Espèce menacée
Ce lézard s’est considérablement raréfié au cours des années 80, au point que sa présence dans le delta est aujourd’hui relictuelle. Si l’espèce est encore bien présente en Crau et dans les Alpilles, ses densités ont considérablement chuté au cours des quinze dernières années mêmes dans les secteurs en réserve comme Peau de Meau. En Camargue, de nombreux facteurs sont responsables de sa régression : l’arasement des montilles pour l’agriculture, l’embroussaillement des derniers milieux favorables en raison du déclin des populations de lapins, la fragmentation des populations (par les routes et les cultures) ou encore la diminution et la contamination des proies par les pesticides. Toutefois, sa régression récente et drastique en Crau ou en Espagne soulève des interrogations sur l’apparition de nouveaux facteurs de déclin : maladies ou impact, direct ou indirect, des produits utilisés pour traiter les infections parasitaires des troupeaux comme l’ivermectine.
Double peine
Bien que le Lézard ocellé soit une espèce protégée en France, son statut de conservation a été très nettement sous évalué dans la directive habitat. Il n’est ainsi pas inscrit dans les annexes de cette directive (au contraire du Lézard des murailles ou du Lézard vert…) d’où son absence de prise en compte dans les documents d’objectifs Natura 2000. En clair, aucune action de conservation directe ne peut être mise en œuvre et financée pour cette espèce dans ce cadre. Comme si cela ne suffisait pas, la transcription de cette directive en droit français à travers un nouvel arrêté ministériel fixant la liste des espèces d’amphibiens et reptiles protégées l’a reléguée en une espèce protégée de second rang ! Sa destruction directe est certes interdite par la loi, mais son habitat ne l’est pas, au contraire à nouveau d’espèces inscrites dans les annexes de la directive comme la Rainette méridionale qui bénéficient, elles d’une protection complète.
Situations ubuesques
Ainsi, la retranscription française « brut de décoffrage » des directives européennes font que certaines espèces communes (lézard des murailles, lézard vert, rainette méridionale) sont dorénavant mieux protégées que des espèces véritablement menacées telles que le lézard ocellé, le pélobate cultripède ou l’hémidactyle verruqueux ! De plus, il est possible que certaines mesures de conservation puissent avoir des incidences indirectes défavorables pour l’espèce du fait de sa non prise en compte lors de l’élaboration des documents d’objectifs Natura 2000….