Plateforme LOGIPREST à St Parpaing de Crau

Lettre envoyée au CODERST (Conseil de l’Environnement et des Risques sanitaires et technologiques) à propos du projet de plateforme logistique Logiprest à St Martin de Crau.

 

Par le présent courrier, nous avons l’honneur de vous adresser l’avis des associations NACICCA, AGIR POUR LA CRAU et UDVN 13 concernant le projet de la société Logiprest sur la commune de Saint-Martin-de-Crau.

  

Sur la non conformité du projet

 

La commune de Saint-Martin-de-Crau possède un parc éolien situé au lieu-dit « Mas de Leuze ». Il est composé de 9 machines mises en service en mai 2008. Depuis la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, les éoliennes relèvent du régime des ICPE (Décret n°2011-984 du 23 août 2011). L’arrêté du 26 août 2011[1] vient préciser les dispositions générales relatives aux parcs éoliens soumises à autorisation. Il fixe, entre autres, des distances minimales d’implantation : 500 mètres de toute construction à usage d’habitation, de tout immeuble habité ou de toute zone destinée à l’habitation et 300 mètres d’une installation nucléaire de base ou d’une ICPE. Or, l’étude d’impact de la société Logiprest mentionne que le parc éolien se situe à 220 mètres à l’ouest des installations prévues. Le site d’implantation choisi n’est donc pas conforme à cet arrêté.

 
 

Sur de la qualité de l’air

 

La commune de Saint Martin de Crau est une commune déjà sensible d’un point de vu de la qualité de l’air. En effet, selon le site Emiprox qui dresse l’inventaire des émissions en PACA en 2007, réalisé par l’association AIRPACA, les émissions d’oxydes d’azote (Nox) à Saint Martin de Crau en 2007, s’élèvent à 1081 Tonnes du à 83% par les transports routiers. Cela représente 2% des émissions départementales et presque 1% des émissions régionales de Nox. On voit également que les émissions de Particules fines PM10 s’élèvent également à 134 Tonnes dont 66% dû au transport routier. Par ailleurs, nous considérons les calculs sur la part du trafic PL liée au projet dans le total du trafic PL du territoire comme erronés. En effet, les calculs intègrent la totalité des flux d’une périmètre beaucoup plus large que la zone d’activité concernée avec :

 

  • Les flux en direction et provenance d’Arles, de l’Espagne et du Portugal
  • Les flux en direction et provenance de Salon et de l’est de l’Europe
  • Les flux en direction et provenance de Fos Soit un total de 13.141 PL. Tous ne passent pas par les zones d’Ecopole et Bois de Leuze. D’ailleurs, l’étude d’impact précise en p48 qu’il n’existe pas de données relatives au trafic global généré par les zones industrielles.

 

Il n’est donc pas cohérent de comparer les 150 flux entrants et 150 flux sortants PL au niveau du projet avec ceux existants à une échelle beaucoup plus large. Ces calculs minorent fortement l’impact du projet. Ce constat vaut également pour les calculs concernant les VL. En conséquence de quoi, nous considérons comme fausse la conclusion selon laquelle l’impact de la future plate-forme logistique pourrait être qualifié de négligeable. Il n’est plus possible de continuer dans cette logique du tout routier qui conduit à l’asphyxie des populations locales. La question de la santé et du bien être, toutes les nuisances : bruit, stress, insécurité routière… nous apparaît comme d’intérêt public majeur bien avant l’intérêt d’un projet industriel particulier. Il est impératif de trouver des alternatives à la route pour mettre en place dans la zone et dans la Région entière un vrai report modal ! Militant fortement pour la mise en œuvre d’un vrai report modal et au vu de la difficulté à le mettre en œuvre sur cette zone, nous sommes donc opposés à l’implantation d’un tel entrepôt à Saint Martin de Crau ! Des plateformes multimodales embranchées au réseau ferré existent déjà, nous demandons donc que ce type d’entrepôts s’y implante en priorité. D’une manière générale, nous demandons que ces plateformes logistiques d’entreposages soient systématiquement connectées fer et/ou fluvial !

 
 

Sur l’incompatibilité du projet avec la politique publique de protection de la nature

 

L’Outarde canepetière (Tetrax tetrax) fait partie des 18 oiseaux de la « liste des espèces de vertébrés protégés d’extinction » fixé par l’arrêté du 9 juillet 1999. L’enjeux de sa conservation sur le territoire national, en tant qu’espèce patrimoniale, est concrétisé par la mise en place de plans d’action nationaux. Le deuxième Plan National d’Action (2011-2015) en faveur de l’Outarde canepetière, coordonné par le Ministère de l’Ecologie, mentionne sept axes directeurs, dont le suivant : « intervenir dans les projets d’aménagement (…) afin d’éviter leur apparition dans les sites fréquentés par les outardes, ce qui pourrait aggraver la situation de l’espèce ou réduire à néant les efforts consentis auparavant ». Si l’on se réfère aux résultats des inventaires des dossiers réglementaires établis, il apparaît clairement que le présent projet industriel va à l’encontre de la conservation de cette espèce prioritaire, et des dits efforts consentis dans le cadre de la politique publique. A ce propos, nous nous étonnons de ne pas avoir pu consulter, lors de l’enquête publique, l’avis de la Commission Nationale de Protection de la Nature, au sujet de la dérogation de destruction d’espèces protégées et de leurs habitats.

 
 

Sur les insuffisances et manques liés à la prise en compte des effets cumulés dans le cadre de Natura 2000

 

L’évaluation des incidences d’ECO-MED ne prend en compte qu’une partie des effets cumulés. Pour le reste, il est écrit page 110 de ce dossier que : « C’est à l’autorité décisionnaire qu’il revient d’évaluer les incidences d’éventuels effets cumulés d’un projet d’activité avec les autres activités en cours ou en projet pour statuer sur une demande devant faire l’objet d’une évaluation des incidences », en référence à la circulaire du 15 avril 2010. Le dossier réglementaire d’ECO-MED décrit avec justesse et précision les atteintes portées à l’Outarde canepetière, directes et indirectes, les fonctionnalités écologiques ; la présence de groupes hivernaux conséquents, etc. Le niveau d’impact résiduel, concernant l’Outarde canepetière en particulier, est élevé au niveau « fort » dans le volet environnemental de l’étude d’impact. Cette évaluation tient compte de la totalité des effets cumulés. Le niveau d’atteinte résiduel, concernant cette même espèce, est élevé au niveau « modéré » dans l’évaluation des incidences. Cette dernière évaluation ne tient compte que d’une partie mineure des effets cumulés.

 

Or, l’avis de l’autorité environnementale ne mentionne rien à propos de l’évaluation des effets cumulés qui lui incombe, en complément de l’évaluation réalisée par ECOMED.

 

L’effectif d’Outarde canepetière de la ZPS est d’environ 300 mâles chanteurs. Cet effectif ne représente qu’une partie de l’effectif total de la Crau, évalué à environ 600 mâles chanteurs. Considérant cela, nous affirmons qu’en aucun cas l’atteinte résiduelle sur l’Outarde canepetière (dossier d’évaluation des incidences) ne peut être inférieure à l’impact résiduel (dossier d’étude d’impact) sur les mêmes individus et groupes recensés, considérant la prise en compte de la totalité des effets cumulés. Nous constatons que si le niveau d’atteinte sur cette espèce avait été élevé à un niveau « fort », les incidences du projet sur la ZPS de la Crau seraient dommageables et potentiellement significatives. A notre avis, et en l’absence d’autres pièces nécessaires à l’instruction de ce dossier, il s’agirait là d’un vice de procédure résultant de l’insuffisance de l’évaluation appropriée des incidences prévue par l’article L. 414-4 du code de l’environnement.

 
 

Sur les sites Natura 2000 FR9301596 « Marais de la vallée des Baux et marais d’Arles » et FR9312001 « Marais entre Crau et Grand Rhône »

 

Pages 42-43 de l’étude d’impact de la société Logiprest, il est dit que les eaux pluviales, issues des voiries et parkings, seront traitées par débourbage et séparation des hydrocarbures. Les eaux ainsi collectées et traitées seront rejetées dans le Canal de la Chapelette. Ce canal alimente en partie les zones humides des sites Natura 2000 FR9301596 « Marais de la vallée des Baux et marais d’Arles » et FR9312001 « Marais entre Crau et Grand Rhône ». Ces sites Natura 2000, dont une partie correspond à la propriété du conservatoire du littoral, abritent de nombreuses espèces d’intérêt communautaire. De part des rejets d’origine urbaine et industrielle, ces marais subissent un régime hydraulique chaotique, et la qualité biochimique de l’eau, apportée par le canal de la Chapelette, est plutôt insuffisante (pesticides, hydrocarbures, etc.). Le document d’objectif des sites Natura 2000 en question prévoit une « réduction des rejets et pollutions d’origine domestique, urbaine, routière et industrielle ». Or, aucune évaluation des incidences n’a été réalisée concernant ces sites Natura 2000, et en particulier concernant les effets cumulés, entre-autres liés à la plate-forme logistique de Saint-Martin-de-Crau. A notre avis, il s’agit là d’un vice de procédure résultant d’un manque important dans l’évaluation appropriée des incidences prévue par l’article L. 414-4 du code de l’environnement.

 

Nacicca _ Agir pour la Crau _ UDVN 13

 

[1] Arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement

 

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