La Crau est à vendre !

L’essor tentaculaire des zones d’activités de la commune de Saint-Martin-de-Crau cristallise de manière très symbolique une question sociétale nationale de plus en plus forte : faut-il au nom de la création d’emplois accepter toujours plus de pollution, et sacrifier indéfiniment les terres agricoles et la biodiversité locale ?

Deux exemples majeurs sur Saint-Martin-de-Crau, commune d’à peine 12 .000 habitants pour laquelle ses édiles ont fixé comme objectif d’atteindre 1 million de m² d’entrepôts dans les années qui viennent :

Le projet de plate-forme logistique de la Thominière : 77.000 m² de tôles, 14 m de haut, l’équivalent d’un immeuble de 5 étages, à moins de 50 mètres des 32 habitants du Mas de Gouin. Le projet de plate-forme logistique de la société Logiprest : 152.000 m² d’entrepôts sur 28 hectares, dans un premier temps, puis étendu à 50 ha par la suite.
Les associations Agir pour la Crau, NACICCA, UDVN-FNE13 ainsi que le Collectif de Défense des Terres Fertiles sont intervenues au cours de ces deux enquêtes publiques pour faire part de leur opposition à ces projets dévastateurs.
Ces 2 dossiers représentent à eux seuls près de 230.000 m² d’entrepôts sur 50 hectares plus la récente opération de Mas Boussard, font que l’on atteint les 390.000 m² sur 88 ha, soit l’équivalent de 120 terrains de foot ! A cela s’ajoute les 500.000 m² existants : on n’est pas loin de l’objectif fixé avec un ratio de 80 m² d’entrepôts par habitant !


Les conséquences de ces bétonnages seront irréversibles sur le plan des espaces agricoles et de la biodiversité : dans le 1er cas, ce sont 24 ha de vergers qui disparaissent, à une époque où les populations sont de plus en plus demandeuses d’une agriculture de proximité. Dans le 2nd et le 3ème cas, une demande de dérogation à la destruction d’espèces et d’habitats protégés a été demandée et obtenue par le porteur du projet.
En contre-partie de quoi, on nous annonce des créations d’emplois. Cette « grande cause nationale » nous interpelle cependant sur 2 points essentiels :

  • Selon une étude la DRAF PACA en 2004, l’agriculture aura disparu dans les Bouches-du-Rhône dans moins de 15 ans ! [1] Il faut donc utiliser pour le développement les entrepôts vides, les friches industrielles, les terres non agricoles ou protégées au titre de natura 2000.
  • Selon le recensement agricole 2010 réalisé par l’Agreste, la commune de Saint-Martin-de-Crau a perdu 19% de sa surface agricole utilisée en 10 ans, de 2000 à 2010. C’est plus que la moyenne départementale, de 9% sur la même période.


A un niveau plus global, selon l’INRA, entre 1997 et 2009, 1.600 ha de terres agricoles et d’espaces naturels ont disparu dans la Crau tandis que les espaces de stockage et de logistiques progressaient de près de 290 ha. [2]
Est-il concevable d’envisager que le développement d’une commune soit dicté par les intérêts financiers de grands groupes qui considèrent le foncier comme une marchandise à part entière ?

  • Mas Boussard Nord : 38 ha pour 160.000 m² d’entrepôts, une des plus grosses opérations logistiques de ces dernières années en France -> SCI Boussard Nord : groupe Carnivor
  • La Thominière : entrepôts sur 24 ha -> SCI La Thominière : Carnivor 52%, Massa 48%
  • Logiprest : entrepôts sur 23 ha -> groupe Katoen Natie
  • Les Ferrades : 350 logements -> Paca Immo , groupe Carnivor

Le groupe Carnivor est côté en bourse pour un chiffre d’affaires de 200 M€ en 2010, tout comme celui de Massa. Katoen Natie annonçait quant à lui 800 M€, pour 7.000 employés répartis au sein de 154 plate-formes logistiques dans le monde et 4,8 millions de m² d’entrepôts. La décision de Katoen Natie de construire de nouveaux entrepôts sur la zone de Saint-Martin de Crau est d’autant plus étonnante quand on sait que l’établissement basé à Miramas est enregistré au répertoire Sirene comme fermé depuis le 30/06/2011.
Le développement de la logistique a également des conséquences importantes sur la qualité de l’air et se fait dans un contexte de progression incontrôlée dans le département des grandes enseignes commerciales. Tout cela contribue à la dégradation du petit commerce et de l’agriculture de proximité. Un décret de 1993 oblige les Préfets à créer un observatoire du commerce à l’échelle des départements, pour élaborer des schémas de développement. Rien de cela dans les Bouches-du-Rhône.
La commune se développe et se transforme donc au gré des investissements de ces sociétés privées.
Nous pensons que la nature n’est pas à vendre, qu’elle doit rester notre bien commun et être exclue des logiques spéculatives dans lesquelles elle est aujourd’hui enfermée. Nous souhaitons informer, et au delà alerter les citoyens et les décideurs locaux et nationaux sur cette situation.
Les associations Agir pour la Crau, NACICCA, UDVN-FNE13 et le collectif de défense des terres fertiles demandent donc :

l’arrêt de tout projet envisagé sur des terres agricoles, des espaces natura 2000 ou abritant des habitats d’espèces protégés la réalisation d’une étude publique et objective sur les impacts économiques, sociaux et environnementaux liés à l’essor des activités logistiques sur la commune de Saint-Martin-de-Crau.

communiqué de presse – la crau est a vendre

En savoir +

[1] http://www.apeas.fr/IMG/pdf/RAPPORT_FONCIER.pdf

[2] Programme astuces et Tic – l’étalement urbain menace t-il des services ecosystémiques ? F. Trolard, JC Mordant de Massiac – http://www.reserve-crau.org/5_5_1colloque2011.html